Histoire de la Suisse

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Littérature
Avec ses trois cultures principales, la littérature suisse déborde largement le cadre du pays.

Littérature de langue allemande
La première œuvre véritable en langue allemande est l'Anneau (vers 1400) de Heinrich von Wittenwiller. Au XVIe siècle, Zwingli traduit la Bible, le peintre Niklaus Manuel Deutsch écrit des drames. Au XVIIIe siècle, Albrecht von Haller et Conrad Gesner sont les auteurs d'ouvrages scientifiques réputés. Au XIXe siècle, le roman est illustré par le Bernois Jeremias Gotthelf (1797-1854), qui décrit la vie dans l'Emmenthal, et par les Zurichois Gottfried Keller (Henri le Vert, 1854-1855) et Conrad Ferdinand Meyer. Le XXe siècle est dominé par Robert Walser, à la renommée universelle, et par deux éminents dramaturges: Max Frisch et Friedrich Dürrenmatt, qui, à travers leurs romans et leur œuvre dramatique, se sont fait connaître dans le monde à une époque de relatif vide culturel en Allemagne, et dont l'œuvre ne fut d'ailleurs pas sans influencer l'art théâtral allemand.

Littérature romande
Après le poète Othon de Grandson (1336-1397), François de Bonivard fut le premier véritable écrivain francophone, au XVIe siècle, qui est le siècle des réformateurs (Calvin, etc.), venus de France, où Viret achève sa vie. Du XVIIe au XIXe siècle, la plupart des publications relèvent des sciences exactes et humaines, du droit, etc. Descendant de calvinistes venus de France, Jean-Jacques Rousseau se rend de bonne heure dans ce pays, où il fait sa carrière. Benjamin Constant écrit dans sa patrie, la Suisse, son chef-d'œuvre Adolphe (vers 1806) mais le publie en France (1816), dont il adoptera la nationalité. Aux albums comiques de Töpffer s'oppose le journal tragique qu'Amiel tient de 1839 à sa mort (1881). Les romanciers suisses sont peu nombreux; les plus célèbres sont Victor Charbuliez (1829-1899) et Édouard Rod (1857-1910), qui étudie les crises de conscience. Au XXe siècle, Charles-Ferdinand Ramuz, romancier des montagnes (la Grande Peur dans la montagne, 1926), donne au monde vaudois un rayonnement universel. La gloire de Charles-Albert Cingria est posthume. Blaise Cendrars, naturalisé français, fait sa carrière en France. En 1938, Denis de Rougemont publie l'Amour et l'Occident. De nos jours, les deux écrivains les plus célèbres sont Robert Pinget, à qui on doit plusieurs chefs-d'œuvre du « nouveau roman » (l'Inquisitoire, 1962), et l'essayiste Jean Starobinski; citons aussi le poète Maurice Chappaz. Après Monique Saint-Hélier, la littérature suisse francophone du XXe siècle a également deux grandes représentantes : Alice Rivaz (née en 1901) et Corinna Bille (1912-1929), épouse de Chappaz.

Littérature de langue italienne
La littérature du Tessin s'est affirmée tardivement: dans la première moitié du XXe siècle, grâce à Francesco Chiesa (1871-1973), romancier et poète qui a aujourd'hui de nombreux émules, en particulier Piero Bianconi avec Albero genealogico (1969).

Architecture
Plusieurs édifices romans de grandes dimensions ont été érigés en Suisse alémanique (Grossmünster de Zurich, XIIe-XIIIe siècles; cathédrale de Bâle, XIe siècle; église de Tous-les-Saints à Schaffhouse, XIIe siècle), en Valais (église Saint-Pierre de Clages), dans le canton de Vaud (église Saint-Sulpice), ou en Suisse italienne (église de Giornico).

Introduit en Suisse vers 1230 environ, l'art gothique révèle, d'un côté, l'influence des bâtisseurs allemands venus de la région Souabe-Rhénanie (cathédrales de Fribourg et de Berne), de l'autre celle du style bourguignon qui prédomine, par exemple, dans l'architecture de Notre-Dame de Lausanne (v. 1170-1255).

À Genève, l'ancienne église épiscopale de Saint-Pierre (aujourd'hui cathédrale Saint-Pierre) conserve une nef et des bas-côtés de style gothique bourguignon construits à la fin du XIIe et au XIIIe siècles.

Au début du XVIe siècle, l'admirable monastère bénédictin de Saint-Georges à Stein am Rhein, bâti entre 1390 et 1444, reçut l'une des plus riches décorations Renaissance qui se puisse voir. Mais, malgré les idées de rénovation qui sous-tendent l'humanisme et la Réforme, l'architecture de la Renaissance s'impose très timidement en Suisse, car la plupart des maîtres tessinois vont exercer leur talent en Italie. C'est ainsi que les frères Giovanni et Domenico Fontana et Carlo Maderno (1556-1629), leur neveu, achèveront la construction de Saint-Pierre de Rome, alors qu'un peu plus tard leur compatriote Borromini (1599-1667), suivant le même chemin, s'illustrera comme l'architecte le plus original de la Rome baroque. Transformation des éléments classiques qu'il emprunte à la Renaissance, le «style jésuite», importé d'Italie via l'Autriche et l'Allemagne, a laissé en Suisse deux beaux monuments: l'église de Lucerne bâtie de 1666 à 1678, et l'église des Jésuites de Soleure construite en 1679. Le baroque proprement dit trouve sa meilleure expression dans le majestueux ensemble de l'abbaye d'Einsiedeln, rebâti à partir de 1704 par Kaspar Moosbrugger, la cathédrale Saint-Ours de Soleure (fin XVIIIe siècle) et l'église conventuelle de Saint-Gall (1755-1767).

Les architectes du XIXe siècle, en Suisse comme presque partout ailleurs en Europe, imitent ou restaurent sans véritablement créer, et il faut attendre les réalisations, au XXe siècle, de Robert Maillart (1872-1940), Karl Moser (1860-1936), Hannes Meyer (1889-1954), Le Corbusier (1887-1965) et Max Bill (1908-1994) pour assister à un réveil architectural véritable. En sculpture, la Suisse, si l'on excepte le Genevois James Pradier (1792-1852), le Bernois Hermann Haller (1880-1950) et bien entendu Alberto Giacometti (1901-1966), n'a pas vu naître de grands créateurs.

Peinture
Il ne reste en Suisse que de rares témoignages de la peinture murale carolingienne, visibles dans les localités grisonnes de Naturns, Mals et Münster. La peinture romane est mieux représentée par les fresques de Chalières (Jura bernois), de Montcherand (canton de Vaud) ou de la cathédrale de Zurich, mais surtout par l'admirable plafond de la petite église Saint-Martin de Zillis (v. 1140, Via Mala, Grisons), dont les 153 panneaux de bois peint représentent une suite de scènes de la vie du Christ.

Avec l'art de Konrad Witz (v. 1400-v. 1445) la peinture helvétique nous offre l'un des tout premiers exemples de paysage réalisé en Occident (la Pêche miraculeuse, 1444, musée de Genève). L'influence de ce grand peintre s'exercera tout au long du XVe siècle sur la plupart des artistes qui comptent à cette époque; elle reste encore visible, à la fin du XVe siècle, dans les œuvres anonymes des «Maîtres à l'œillet» de Berne, Fribourg et Zurich. De fait, Witz annonce la transition que l'œuvre tourmentée du Fribourgeois Hans Fries (v. 1465-v. 1523) opère entre la peinture médiévale et celle de la Renaissance.

Les noms de trois grands «peintres-lansquenets» nés en Suisse incarnent, à une époque particulièrement troublée par de graves conflits politiques et religieux, les prestiges artistiques du XVIe siècle renaissant: Niklaus Manuel Deutsch (1484-1530), Urs Graf (v. 1485-1527), Hans Leu le Jeune (v. 1490-1531). Le Jugement de Pâris (Kunstmuseum, Bâle) et Pyrame et Thisbé, deux des compositions les plus raffinées de Manuel Deutsch, peintes à la détrempe vers 1523, montrent toutes les qualités de ce peintre beaucoup plus complet qu'Urs Graf (presque uniquement connu par ses gravures sur bois) et plus sensible que Hans Leu dont l'Orphée charmant les animaux (1519, Kunstmuseum, Bâle) est pourtant une œuvre d'où émane un vif sentiment poétique. Dans la mesure où la formation de Hans Holbein le Jeune remonte aux années qu'il passa à Bâle, son nom peut également être rattaché au patrimoine artistique de la Suisse, où une tradition holbeinienne du portrait s'est d'ailleurs créée; Hans Bock (1550-1624) en fut le meilleur représentant, à Bâle. L'art helvétique du XVIe siècle connut encore un grand peintre dans la personne du Schaffhousois Tobias Stimmer (1539-1584), remarquable illustrateur de la Bible et fresquiste célèbre de la maison dite du Cavalier à Schaffhouse.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la Suisse ne peut guère revendiquer que deux excellents portraitistes, le Genevois Jean Petitot (1607-1691) et Anton Graff (1736-1813), un très grand maître du pastel, Jean Étienne Liotard (1702-1789), un maître du paysage, Kaspar Wolf (1735-1798), et un peintre tout à fait inclassable, à la fois initiateur du romantisme et maître de l'art fantastique: Johann Heinrich Füssli (1741-1825).

La vie artistique helvétique, qui durant les XVe et XVIe siècles avait pour centre principal la Suisse alémanique, surgit à la fin du XVIIe siècle en Suisse romande, Genève s'étant substitué à Bâle. Le XIXe siècle consacre la prééminence de Genève, avec le caricaturiste Rodolphe Toepffer (1799-1846), le paysagiste romantique Alexandre Calame (1810-1864) et le paysagiste «naturaliste» Barthélemy Menn (1815-1893), auxquels nous préférons aujourd'hui la sourde violence du Bâlois Arnold Böcklin (1827-1901), son sens d'une «mise en scène» délirante (la Peste , 1898, inachevé, musée de Bâle).

Par la suite, viendront un grand dessinateur et illustrateur, Alexandre Steinlen (1859-1923), un paysagiste réputé, Ferdinand Hodler (1853-1918), un nabi de talent, Félix Vallotton (1865-1925), et l'un des plus grands peintres du XXe siècle: Paul Klee (1879-1940). Zurich est la ville où Tristan Tzara lança en 1916 le mouvement dada, mais les artistes suisses les plus actifs au sein des grands mouvements d'avant-garde, d'Alberto Giacometti à Jean Tinguely (né en 1925), ont souvent réalisé leurs œuvres à l'étranger.